Violences à l’égard des femmes et des filles : 16 jours pour élever la voix

Nouvelle | Publié: 01 décembre 2020

Alors que les mesures visant à endiguer la pandémie de COVID-19 imposent depuis des mois un confinement forcé dans beaucoup de pays, nombre d’organisations alertent sur l’augmentation vertigineuse des actes de violence perpétrés à l’encontre des femmes et des filles, plus isolées que jamais.

Dans ce contexte, c’est avec un réel sentiment d’urgence qu’a débuté, le 25 novembre, la campagne internationale des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre. Jusqu’au 10 décembre, au travers des projets Voix et leadership des femmes (VLF) en Haïti, au Mali et au Sénégal, le CECI appuie et accompagne ses partenaires, qui mènent sur le terrain des activités de prévention contre les violences faites aux femmes et aux filles et de plaidoyer pour exiger qu’elles puissent exercer leurs droits. 

L’arrivée des motos-taxis aux abords du marché de Badalabougou, à Bamako, ne passe pas inaperçue. Armée de mégaphones, vêtue de tee-shirts orange portant l’inscription « Stop à la violence aux femmes et aux filles », l’équipe d’animatrices et d’animateurs interpelle la foule, nombreuse ce matin-là. Entre deux messages préenregistrés et diffusés par le biais de mini-radios portatives, une animatrice prend la parole et, tout en déambulant parmi les étals, s’adresse aux femmes et aux quelques hommes présents.

En ce 25 novembre, date de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les messages parlent de droits fondamentaux, de respect et de dignité, abordent l’excision, le viol, l’esclavage sexuel et le mariage précoce ou forcé, appellent les autorités communales et les chefs religieux et coutumiers à s’engager aux côtés des organisations de défense des droits des femmes et des filles. Parfois le dialogue s’instaure, parfois la discussion s’anime.

« Avec ce type d’activités de sensibilisation, nous voulons surtout un changement de mentalités » affirme Aïssata Cheick Sylla Doucouré, conseillère en communication plaidoyer au CECI-Mali. « C’est ça le plus important si l’on veut que les choses puissent évoluer positivement, à commencer par les comportements » poursuit-elle en précisant que le parcours de cette caravane itinérante à travers toutes les communes de la capitale permettra de toucher le maximum de populations. Si l’activité est animée par les membres du Réseau national pour le développement des jeunes filles et femmes (RENADJEF), les messages diffusés ont été élaborés par l’ensemble des 25 partenaires du projet VLF au Mali, mis en œuvre par le CECI en partenariat avec SOCODEVI.

C’est au travers de ce programme quinquennal, financé depuis 2018 par le gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada, que le CECI agit auprès de quelque 80 partenaires au Sénégal, au Mali et en Haïti. Il vise à  renforcer  les capacités institutionnelles d’organisations locales de femmes afin d'accroître leur pouvoir d’action et leur efficacité.

La campagne internationale des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre offre l’opportunité à chaque association de développer les partenariats existants, de travailler en réseau et de fédérer les initiatives, avec l’objectif d’amplifier la portée des messages.

Au Sénégal, où les 25 organisations partenaires du projet Voix et leadership des femmes ont décidé que leurs efforts cibleraient cette année la vulgarisation de la loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie, de nombreuses organisations ont le sentiment que leurs voix, ainsi unies, portent plus loin.

« Nous avons créé une plateforme pour élaborer ensemble un même plaidoyer, raconte Maïmouna Ndaw. Il y a un élan qui est donné pour travailler en concertation et c’est certain que si chaque organisation fait le travail dans sa zone, l’impact au niveau national est beaucoup plus grand » poursuit la vice-présidente de l’Association pour la promotion de la femme sénégalaise (APROFES). L’organisation qui œuvre dans la région de Kaolack, à plus de trois heures de route de Dakar, sillonne les zones isolées pour sensibiliser la population aux enjeux des violences physiques, et réclame la gratuité du certificat médical pour les victimes – certificat faisant office de preuve légale en cour et sans lequel aucune dénonciation ne peut aboutir. 

Cette volonté d’aller à la rencontre des communautés les plus éloignées se retrouve également au Mali et en Haïti. Outre les campagnes médiatiques sur les réseaux sociaux et les radios, les marchés et les tables rondes organisées dans les villes, les organisations partenaires des projets VLF ont toutes le souci de porter leurs messages dans les zones rurales les plus reculées.


C’est le cas de Fanm Lakay, une association de défense des droits des femmes qui œuvre dans les 14 communes du département de Grand’Anse, à la pointe sud-ouest d’Haïti. Le soutien financier reçu au travers du projet VLF lui a notamment permis de louer une voiture et d’accéder à des zones isolées devenues, à cause de l’insécurité grandissante, trop dangereuses d’accès en motocyclette. 

« Je vais pouvoir redynamiser les comités de lutte contre les violences basées sur le genre que j’ai créés il y a deux ans dans quatre communes, et d’ici la fin de la campagne, je veux en avoir mis cinq autres en place, raconte la présidente-fondatrice. Ces comités sont essentiels, ils sont nos yeux dans ces zones éloignées : ils nous informent sur la situation réelle et nous aident à mieux faire de la prévention ». Également coordonnatrice départementale du ministère à la Condition féminine, Marie-Thérèse Pacaud estime qu’« il est d’autant plus important de travailler dans ces zones que les mentalités y sont encore plus imprégnées qu’ailleurs par les croyances religieuses et les traditions socio-culturelles qui contribuent à faire de la femme un être soumis à l’homme ». 

Si les activités de sensibilisation aux violences visent à endiguer les pratiques nocives au sein des foyers, beaucoup pensent qu’il est tout aussi important de se servir de la campagne les 16 jours d’activisme pour mobiliser plus de personnes afin d’exiger des gouvernements qu’ils prennent de véritables mesures afin d’assurer la sécurité des femmes et de favoriser leur épanouissement.

« Pour que les choses avancent, il faut d’abord que les femmes et les filles soient informées de leurs droits et prennent la mesure des enjeux. Et c’est cette prise de conscience qui va permettre à ces femmes de s’engager dans un mouvement social de lutte déjà existant et de venir l’amplifier » estime Dracuse Edithe Mathieu Joseph, cheffe de projet au CECI-Haïti.

À Port-au-Prince, justement, en ce même 25 novembre, on est loin de l’ambiance joyeuse et bruyante du marché de Bamako. L’heure est au recueillement et à l’émotion. Quelques semaines après l’enlèvement et l’assassinat d’une jeune étudiante qui a soulevé l’indignation de la population, les principales organisations partenaires du projet VLF ont choisi de faire du féminicide le thème central de leurs activités.

Devant le ministère de la Justice, au milieu des fleurs et des bougies, un émouvant mémorial regroupe plusieurs dizaines de paires de chaussures rouge sang, une pour chaque fille et femme tombée sous les coups des hommes ces dernières années. Entourées de pancartes affichant le nom des victimes, les représentantes de Kay Fanm et SOFA, deux des partenaires du projet VLF, sont venues réclamer justice, et la fin de l’impunité pour les auteurs de ces crimes.
À Port-au-Prince comme ailleurs, le sentiment de révolte le dispute à celui d’urgence. Au cours de sa vie, dans le monde, une femme sur trois va subir des violences. 


Les projets Voix et leadership des femmes en Haïti, au Mali et au Sénégal bénéficient de l’appui financier du gouvernement du Canada, par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.

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